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Femmes et numérique : enjeux et solutions

Description

L’informatique joue un rôle croissant dans l’évolution de nos sociétés, mais les femmes sont largement sous-représentées dans ces métiers depuis plusieurs décennies. Pourtant, dans les années 80, l’informatique était un métier plutôt féminisé, du moins, pour un métier technique et au début de l’histoire de l’informatique, les femmes ont eu un développement prépondérant dans l’invention de la programmation et de ses techniques. Le but de cette conférence est tout d’abord de déconstruire des idées reçues sur les femmes et l’informatique, puis de prendre la mesure de ce que signifie une transition numérique qui se passe sans les femmes. Enfin, nous envisagerons différentes bonnes pratiques qui sont les briques de base permettant un environnement plus inclusif.

Conférence donnée lors du Forum PHP 2023, ayant eu lieu les 12 et 13 octobre 2023.

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Vidéo

Le speaker

Isabelle COLLET

Isabelle Collet est Professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Genève. Elle dirige l’équipe Genre - Rapports intersectionnels, relation éducative (G-RIRE). Elle travaille depuis 20 ans sur la question du genre dans les sciences et techniques. En 2006, elle a reçu le prix de l’Académie française de sciences morales et politiques pour l’ouvrage tiré de sa thèse : "L’informatique a-t-elle un sexe ?", paru aux Éditions l’Harmattan. Elle fait partie de l’Advisory board de la Fondation Impact IA (https://www.impactia.org) à Genève et du Haut conseil à l’égalité en France. Elle a publié en 2019 "Les oubliées du numérique" aux Éditions Le Passeur, prix "Pôle emploi" 2020.

Transcript

[Musique] "Moi homme ou femme je fais pas de différence : les compétences, c'est les compétences.

Un homme, une femme, un castor : si ça sait programmer, je vois pas le problème.

Je vois pas pourquoi ça me concerne." Partons sur cette base que j'ai souvent entendue et vérifions.

On est sincère quand on dit ça, mais on va voir jusqu'où c'est vrai.

Je vous ai mis un petit pictogramme facile à reconnaître.

Regardez votre voisin(e) et essayez d'évaluer si c'est un homme ou une femme.

Est-ce que vous vous en sortez ? D'accord les statistiques vous aident : vous pouvez faire un pari statistique et vous dire que c'est un homme, il y a un gros à parier que vous ayez bon, mais on sait jamais ! C'est bon ? Je vois que vous êtes des experts en détection d'homme et de femme.

Vous avez fait comment ? Ce qui est bien avec les informaticiens, c'est qu'ils ont parfois des barbes, c'est hyper pratique pour faire le distingo, même si certains hommes se rasent, voire certains hommes viennent d'ethnie où les hommes ont peu ou pas de barbe.

Là, on a des infos assez bonnes sur cette image, mais on peut pas le mettre en œuvre dans un échange social habituel, ça c'est impossible.

On voit pas si les hommes ont une feuille de vigne, par exemple ! Incidemment cette image me fait toujours rire : je tiens à vous dire que les femmes ne ressemblent pas exactement à ça.

Pour de vrai, on n'est pas tout à fait comme ça, de même que certains d'entre vous ne portent pas de feuille de vigne.

Bref, je vous pose cette question, parce qu'on est tou.te.s expert.e.s à détecter si notre interlocuteur est un homme ou une femme.

Si vous n'arrivez pas à déterminer instantanément si c'est un homme ou une femme, une personne non binaire, une personne trans, vous allez faire une pause.

Peut-être, vous direz "ça n'a aucune importance, je sais très bien qu'aujourd'hui il y a plus de deux genres, etc." Mais vous ferez une pause.

Imaginez que vous allez acheter du Coca à l'épicerie du coin, et à la caisse, vous ne savez pas si la personne qui encaisse, c'est un homme ou une femme.

Pendant toute l'interaction ça va vous perturber.

En soi, on s'en fout, sauf si on a des vues matrimoniales, voire reproductive avec cette personne, le Coca va coûter le même prix, en partant il aura le même goût, vous en aurez autant...

Pour le but de l'interaction il y a pas de différence.

Pourtant vous repartirez avec votre pack en vous demandant si c'était un homme ou une femme.

Ca vous sert à rien, pourtant vous avez besoin de faire le point, parce qu'involontairement, inconsciemment, vous avez appris depuis tout petit qu'à priori l'humanité se détermine en deux catégories : les mâles et les femelles (c'est pas tout à fait vrai biologiquement) que ces deux catégories produisent des hommes et des femmes (c'est pas tout à fait vrai socialement non plus), et que si vous savez pas cette catégorie, ça vous perturbe, même si ça vous sert à rien.

Involontairement vous allez convoquer tout ce que vous savez des hommes ou des femmes, et penser que ça va aider l'interaction même quand c'est juste pour payer du Coca.

Vous savez au fond que c'est pas vrai, que ça vous aidera en rien, que tout ce que vous savez des hommes ou des femmes, dès qu'on dépasse qui a un utérus et qui a une prostate, il y a de fortes chances que ce soit approximatif, voir franchement faux.

Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher.

Donc quand on dit "Je fais pas de différence entre un homme ou une femme, du moment qu'il y a de la compétence", oui, c'est ce qu'on voudrait faire, mais est-ce qu'on le fait vraiment ? Même dans les moments les plus anodins, on peut pas s'empêcher de convoquer tout ce qu'on sait, c'est à dire tous les stéréotypes qu'on a sur les hommes et sur les femmes, et de se dire ça va pas jouer dans notre évaluation de la personne.

C'est pas tout à fait sûr, évidemment ! Revenons à nos histoires de genre numérique.

Je ne vais pas vous expliquer qu'il y a peu de femmes dans le numérique : on a là une démonstration immédiate.

Vous c'est ça : il faut une loupe pour voir les femmes.

En même temps, en Europe on est là : la barre c'est la moyenne européenne : 17%.

Le plus haut c'est la Bulgarie, moins de 35%, je vais pas dire que tous les pays européens sont similaires, mais les pourcentages de différence sont minimes.

Pourtant, c'est marrant en informatique, on a tendance à dire que dans la société actuelle, les femmes progressent dans tous les domaines, elles prennent de plus en plus de postes, dans de plus d'endroits, et en l'espace d'une génération, l'affaire sera réglée ! Je travaille dessus depuis 20 ans : l'espace d'une génération manifestement, c'est raté ! En informatique ce qui est frappant, c'est qu'on n'a pas commencé comme ça.

La première personne à avoir écrit un programme informatique, qui a inventé la boucle (un truc qui sert quand-même !), c'est Ada Lovelace sur une machine mécanique, en 1848 environ, sur la machine de Charles Babbage elle a inventé la boucle, l'idée qu'on puisse avoir une condition de sortie, des données en entrée et en sortie, l'idée aussi que les machines pouvaient faire plein de choses, tout dépend du programme qu'on mettrait dedans.

Grace Hopper a inventé la compilation, puis elle a compilé le programme COBOL (vous pensez ce que vous voulez du COBOL, mais en terme de longévité, c'est impressionnant).

Ces dames sont des mathématiciennes qui programment l'ENIAC, (un gadget assez imposant !) c'est pas des demoiselles du téléphone là, la programmation à l'époque c'était assez physique, donc on avait six mathématiciennes qui programmaient l'ENIAC, et à côté, Margaret Hamilton, qui a inventé la formule de "génie logiciel".

Elle a travaillé sur le système embarqué de la capsule Apollo, et elle était spécialisée dans la détection d'erreurs.

Que se passait-il ? Pourquoi toutes ces femmes en informatique à cette époque ? Voici des photos : c'est pas des congélateurs chez Picard mais des ordinateur dans les années 60 (ça se voit un peu à la tenue vestimentaire).

On a pas mis des femmes exprès sur les photos, à fins de diversité ou autre ! Là c'est CII Honeywell-Bull, les fameux DPS-6, DPS-7, des environnements informatiques assez banals, avec des hommes et des femmes qui y travaillent.

C'était des environnements relativement mixtes.

C'est amusant : comme on pense qu'on a un progrès naturel de la société, qu'on va vers l'avant, vers de plus en plus d'égalité, s'il y a pas de femme aujourd'hui en informatique, on se dit qu'on en avait encore moins hier parce qu'on progresse de façon linéaire.

Pas du tout : il n'y a aucun progrès linéaire, et en l'occurrence en informatique, c'est pas du tout le cas.

Il y en a de moins en moins.

Alors que se passe-t-il ? A cette époque, et avant, la programmation informatique était totalement sans valeur.

Le matériel avait de la valeur, c'était des ingénieurs qui construisaient les machines, il y avait des disciplines dans les universités, il y avait des diplômes qui avaient de la valeur, faire les machines avait de la valeur.

Grace Hopper, qui a inventé la compilation elle a pronostiqué qu'à terme le logiciel finirait par valoir plus cher que le matériel.

On peut dire qu'elle avait bon ! Mais à l'époque ça semblait peu crédible, donc la programmation informatique ne valait rien, et il y avait des femmes sous-payées comme les programmeuses de l'ENIAC, qui programmaient les ordinateurs sans reconnaissance, sans diplôme dans les universités...

On inventait la programmation en la faisant.

Les choses basculent avec Margaret Hamilton, qui a contribué à poser le module Apollo sur la Lune, parce qu'elle a prouvé que le logiciel pouvait être fondamental, elle est la première personne (pas "femme", "personne"), à porter le titre d'ingénieur logiciel.

Le logiciel prend ses lettres de noblesse et commence à avoir de la valeur, et comme ça s'enseigne dans les universités de sciences, abondamment fréquentées d'abord par les hommes, on commence à avoir des hommes informaticiens en logiciel.

En même temps arrive le micro-ordinateur, et les images de pub changent.

Mention spéciale pour Apple, avec Monsieur qui fait le budget familial, pendant que madame fait la vaisselle en souriant (quand les femmes font la vaisselle dans les pubs, elle sourient, ça nous épanouit à un point !).

Et, entre nous vendre des Apple pour faire le budget familial, si c'était pas du foutage de gueule ! Mon père en a acheté un à l'époque, c'est là-dessus que j'ai appris à programmer, mais on avait déjà des calculatrices, on vendait pas une machine pour faire le budget familial, on vendait du fantasme.

À côté, IBM qui annonce le nouvel ordinateur portable, "portable" certes à deux mains, mais vous voyez d'où on vient.

Bref, l'imagerie change complètement.

Avant, on avait des gros systèmes, avec une population assez mixte, le micro-ordinateur arrive, on fait du logiciel qui commence à prendre de la valeur, et le micro-ordinateur va chercher dans la pop culture, dans les images de la science-fiction.

Le film Wargame des années 80 est un bijou des fantasmes sur l'ordinateur et la pop culture de ces années-là, c'est l'ordinateur qui peut déclencher la 3ème guerre mondiale, et l'informaticien qui sauve le monde en l'arrêtant ! On a deux conjonctions qui se rejoignent : la montée en puissance du développement informatique, la monté des salaires, le fait que c'est l'emploi assuré, avec des discours politiques qui encouragent les jeunes hommes à aller dans cette direction, parce que la France doit entrer dans le 21ème siècle avec une jeunesse formée à la programmation, et en même temps les images de science-fiction, de la pop culture, de l'intelligence artificielle, qui ressemblent pas tout à fait à ce qu'on a actuellement, et on a : ça.

Cette courbe, c'est les États-Unis : vous avez la progression des femmes dans toutes les filières.

L'informatique en rouge est dans le peloton, puis dans les années 80, l'arrivée du micro-ordinateur, la montée en puissance des métiers de l'informatique, la courbe s'effondre avec un retour à l'état initial, alors que d'autres disciplines, même la physique, arrivent à peu près à la parité.

Maintenant ma thèse : la courbe rouge, c'est la part des femmes dans les écoles d'ingénieur, aujourd'hui on est toujours pas à 30 %, même si on s'en approche, et la courbe bleue, c'est l'informatique.

Jusqu'aux années 80, tant que c'était pas si reconnu que ça, il y avait des femmes, bien plus que dans la moyenne des écoles d'ingénieur, l'informatique était la profession d'ingénieur la plus féminisée avec l'agroalimentaire.

Aujourd'hui l'agroalimentaire est toujours la plus féminisée, et l'informatique est la profession la moins féminisée, avec l'aéronautique.

Donc il n'y a pas de progrès naturel, pas non plus une fatalité qui dirait que si vous avez deux chromosomes X, pour l'informatique c'est mort.

D'ailleurs, pendant ce temps en Malaisie (où les femmes ont aussi deux chromosomes X), ben ça alors : des femmes en informatique, il y en a beaucoup ! J'ai pris la Malaisie parce que j'ai des études là-dessus, mais je pourrais prendre plusieurs pays d'Afrique du Nord, d'autres pays d'Asie du Sud-Est, de l'ancienne Europe de l'Est, manifestement on n'est pas du tout dans la même chose : 40 % femmes en doctorat (en France, on arrive péniblement à 18%) 7 professeurs sur 10 sont des femmes, ainsi que la doyenne...

La Malaisie serait-il le pays cyber féministe que l'on aurait omis de remarquer ? Non, je vous vends la mèche : c'est pas ça ! En Malaisie l'informatique est un vrai métier de femme : déjà c'est un métier du tertiaire, c'est pas l'industrie, c'est pas un métier dangereux ni salissant, la force physique n'est pas nécessaire, et un métier qu'on peut exercer de chez soi, en gardant ses enfants ou ses parents âgés : un vrai métier de femme ! Alors effectivement il manque peut-être une ou deux composantes de l'informatique, genre la technique...

Mais c'est ainsi qu'on détaille ce qu'on considère comme étant un métier féminin.

Je joue avec mes étudiants : je leur demande de me citer des métiers, et en face je montre les caractéristiques.

Un métier dangereux, salissant, où on porte de lourdes charges, à forte responsabilité, où on travaille la nuit, les week-ends, et c'est les soins infirmiers, qui est un vrai métier d'homme.

En fait évidemment il y a pas de métier d'homme et de métier de femme, on reconnaît le sexe d'un métier au sexe des personnes qui l'exercent, il y a des jeux de compétences assez vastes, dont quelques-unes qui seraient fondamental du métier, mais selon les pays, c'est pas les mêmes.

Ces compétences sont genrées : le métier devient genré.

Si je vous demande de décrire le métier de l'informatique, vous allez sûrement pas mettre ça d'abord, mais peut-être parler de logique, de technique de programmation, etc.

Si je vous demande de décrire les métiers en soins infirmiers, vous direz probablement pas que c'est un métier dangereux, où on porte de lourde charges, mais plutôt le soin aux autres, que c'est un métier subalterne, mal considéré, et pas le fait qu'on travaille la nuit et les week-ends.

J'aime beaucoup quand on demande aux femmes cadres si les réunions le soir c'est pas compliqué.

Oui, c'est compliqué mais on demande pas aux infirmières si les gardes de nuit c'est pas compliqué.

Evidemment, c'est compliqué.

Il y a deux sphères en conflit : la famille et le métier, et toute personne qui se colle à l'articulation des deux sphères, homme ou femme, c'est compliqué.

Mais c'est pas ça qui devrait créer les métiers d'homme ou de femme.

Parfois on dit que si les femmes viennent pas en informatique, alors qu'on les accueille à bras ouverts, c'est parce qu'elles s'auto-censurent.

D'où peut nous venir un truc pareil ? C'est un vrai mystère ! Alors plutôt que vous montrer toute ma collection de Bad Practice, j'ai utilisé l'IA, le miroir déformant des biais de notre société.

Sur Google Image, si vous demandez des images d'écoliers ou d'écolières, vous je sais pas, mais pour moi, une écolière c'est pas ça ! Peut-être par que je suis une fille, et en sciences de l'éducation...

Et on se demande pourquoi les filles veulent aller en crop-top à l'école.

Qu'est-ce qui leur passe par la tête ? Vous jouez avec des logiciels de traduction et des langues neutres, comme le turc ou le finois (en finois c'est le même pronom), en français ça devient "il est riche", "elle est sexy", "il a une super voiture", "elle a un joli cul", "il fait du sport", "elle a mal à la tête", "elle s'occupe des enfants", "elle prend soin de sa mère", "il est candidat à la Présidence", etc.

C'est-à-dire que l'IA fait un pari statistique pour traduire ce pronom neutre en "il" ou "elle", et au lieu de mettre les deux, elle tente, et voilà ce que ça donne.

Parlons des computer scientists : deux pages absolument identiques de chercheurs en computer science, l'un s'appelle John, l'autre Mary, et on laisse Google mouliner et référencer tout ce monde là sur le site d'une même université américaine.

Au bout d'un moment on cherche et la page de John s'affiche plus tôt dans la série de réponses que la page de Mary, car Google calcule la proximité entre "John" et "computer science" et la trouve plus probable que celle entre "Mary" et "computer science".

Donc il y a peu de femmes en informatique et vous avez peu de chance de les trouver, parce que l'IA se demande si c'est vraiment pertinent.

Allez on va voir si vous faites de bonnes IA, parce que "statistiquement probable" ne veut pas dire "pertinent".

Jouez avec moi : "Paris est à la France ce que Bern est à..." ? On est bien partis ! "Biden est aux USA ce que Macron est à..." ? Tout va bien "L'homme est au programmeur ce que la femme est à la..." ? "la ménagère" ! C'est la même proximité, c'est la même probabilité.

L'IA n'est pas sexiste, on est bien d'accord, l'IA se nourrit de toutes nos données, et toutes nos données lui disent qu'il y a la même probabilité statistique entre Macron et France, Biden et USA, homme et programmeur, et femme et ménagère.

D'ailleurs c'est pas que les femmes le problème : là, on a demandé à une IA de décrire "un médecin Africain soignant des enfants", pardon "un médecin Africain noir soignant des enfants".

Ben elle y arrive pas ! Pourtant on lui a demandé ! Sur 350 images générées, à force de retenter, ils ont réussi à faire 22 médecins noirs, mais on a jamais pu avoir par exemple de médecin noir soignant des enfants blancs.

Revenons aux questions hommes et femmes.

Cette disproportion dans les représentations que je vous ai fait à travers l'IA, mais qu'on trouve dans la société (allez voir Pat Patrouille si vous croyez pas que les stéréotypes ont encore la vie dure, vous allez comprendre, demandez à vos enfants qu'ils vous racontent).

On montre à des élèves de fin de primaire / début secondaire cette figure et on leur dit : "C'est un exercice de géométrie, il faut recopier la figure" ou bien "C'est un exercice de dessin, il faut recopier la figure".

Même exercice, même tâche, mais dans un cas on dit que c'est de la géométrie, dans l'autre on dit que c'est du dessin.

Il y a des des stéréotypes qui pèsent sur le dessin et la géométrie : "les filles voient pas dans l'espace", "les garçons sont pas soigneux", "les filles sont pas bonnes en maths, elles sont bonnes en lettres, dans les arts", "les garçons c'est des scientifiques"...

D'accord ou non, on les connaît même à cet âge-là, et on obtient des écarts statistiquement significatifs (l'échelle est pas à zéro).

Si on dit que c'est un exercice de dessin, les filles réussissent mieux que les garçons, et si on dit que c'est un exercice de géométrie, les garçons réussissent mieux que les filles.

Souvenez-vous : c'est le même exercice.

Ce qui est surtout frappant c'est l'écart de performance entre les filles entre elles : quand elles pensent faire de la géométrie, elles réussissent nettement moins bien que quand elles pensent, pour un même exercice, faire du dessin.

Parce qu'elles sont aussi les miroirs de notre société, comme l'IA c'est-à-dire à force d'entendre, de voir, d'être confrontées à des représentations dans lesquelles elles sont pas ou dans lesquelles on les affecte, au bout d'un moment, en terme de performance, ça se gâte.

Maintenant allons voir dans le cerveau de ces personnes : vous prenez des étudiantes et des étudiants en maths, vous les mettez dans une IRM, vous leur proposez des équations à résoudre de tête, qui sont pas triviales mais qui sont faisables de tête, puis vous piochez une équation au hasard, différente à chaque fois évidemment, et vous dites que sur l'équation suivante, les résultats des hommes et des femmes sont différents (on dit pas "mieux", on dit "différent")...

Tout le monde connaît le stéréotype, pas la peine de le dire, les résultats des hommes et des femmes sont différents, Et on voit dans le cerveau des filles s'allumer la zone qui gère les émotions négatives, elle tente d'inhiber ce qu'on est en train de suggérer, mais ça marche pas bien parce que dans ce cas, et ce cas seulement, on voit une différence de performance entre les garçons et les filles.

Et ça, ça s'appelle la menace du stéréotype.

Donc même si vous ne faites pas de différence, ou vous pensez que vous n'en faites pas, même si vous voudriez ne pas faire de différence, et les femmes elles-mêmes n'ont absolument pas envie de se sentir plus en difficulté, notre cerveau n'est pas que notre ami sur ces choses-là.

Bon alors ça donne quoi des trucs comme ça : ça c'est l'écart de salaire homme-femme, certes vu la faible proportion de femmes ayant répondu à l'enquête de l'AFUP, je ne suis pas sûre que le nombre de femmes soit statistiquement significatif, mais on a quand-même un offset assez constant sur toutes les années entre le salaire des hommes et des femmes.

On a beaucoup dit que c'est parce que les femmes osaient demander moins, c'était vrai jusqu'aux années 90 et donc les entreprises pouvaient dire que c'était pas leur faute, "Elles demandent moins donc je donne moins".

Déjà le "c'est pas ma faute", on peut en discuter, mais aujourd'hui on a plusieurs études un peu partout dans le monde occidental qui montrent que les femmes demandent autant.

"Mais pour qui elles se prennent ?" Les employeurs, homme ou femme, donnent pas autant.

Quand les hommes disent "J'ai fait ça, j'ai réalisé ça" on dit dit "ah ouais quand-même !" et quand les femmes disent "j'ai fait ça, j'ai réalisé ça" on se dit "non mais franchement elle se met un peu en avant, c'est un peu exagéré".

Donc les femmes demandent autant mais toute façon elles ont moins.

Personne ne sait qu'il ou elle fait ça, au moment où il ou elle le fait, mais à cause de tout un tas de représentation, on associe plus facilement comme les IA "homme" et "compétence", surtout dans les domaines techiques, que "femme" et "compétence".

Evidemment, on paye la compétence.

Bon alors on fait quoi ? On peut faire des trucs ! C'est pas exhaustif, c'est un petit exemple d'écoles qui ne voulaient pas se résoudre à avoir 5%, 10%, 12% de femmes, et qu'elles allaient faire un peu mieux.

Toutes ces écoles ont actuellement entre 40% et 50% de femmes, dans leur pool d'étudiants et d'étudiantes.

Alors comment ces gens ont-ils fait ? Partons en Norvège, NTNU a fait une grande politique d'inclusion.

Pour ça, il y a toujours trois dimensions : intéresser, recruter, socialiser.

Si vous laissez tomber un des trois maillons, ça ne marche pas.

Si vous intéressez des femmes qui postulent, mais que vous ne vous préoccupez pas de comment les recruter, ou si vous les recrutez mais que vous ne vous préoccupez pas de leur carrière, ça ne marche pas.

Intéresser : ils ont mis en avant le fait que NTNU était intéressé pour recruter des femmes, qui avaient des compétences diverses, portées par des personnes diverses.

Pour les recruter, ils ont fait deux choses : une journée non mixte, où les femmes étaient spécifiquement invitées.

Alors ne me dites pas "moi en tant que femme, j'ai pas de problème avec les mecs" de toutes façons, si vous êtes là, j'espère que c'est le cas ! J'ai été informaticienne, j'avais pas de problème avec les mecs, mais quand on est ultra minoritaire...

Ça veut pas dire que qu'il y a personne, mais sur un congrès, si on met toutes les femmes dans une pièce, elles se rendent compte qu'elles sont pas si isolées, mais quand on prend toute la population, ça fait vraiment très peu, et on se sent bien plus isolée.

Dans un Women's Day les étudiantes voulant postuler étaient entre elles, elles s'apercevaient qu'elles étaient pas seules, pas non plus 600 mais ça donne quand même une autre impression.

Ils ont mis des quotas, vous allez me dire : "quelle horreur les quotas, on embauche des femmes pas compétentes, à la place d'hommes compétents".

J'étais une informaticienne quota, je le savais pas j'aurais trouvé ça infament si je l'avais su, mais depuis j'ai réfléchi.

Si on a une suite d'obstacles, dont ceux que je vous ai montrés, avec la menace du stéréotype (Pat Patrouille, Playmobile...) si tous ces obstacles qui font qu'au moment de postuler, au moment de résoudre une équation, on pense que les gens qui nous regardent pensent qu'on va échouer, si on a conscience de tous ces éléments et qu'au bout d'un moment on donne un petit coup de pouce pour compenser ce retard : un quota, c'est ça.

C'est un coup de pouce pour compenser les difficultés qui étaient là préalablement.

Accessoirement : est-ce que vous pensez vraiment que vos notes du Bac sont intégralement et totalement prédictives de votre niveau actuel ? Donc recruter exclusivement sur la base de notes par exemple, en regardant le niveau scolaire parce que ce serait parfaitement injuste de prendre quelqu'un avec un moins bon niveau scolaire...

Vous croyez que le niveau scolaire est complètement juste ? Je suis en science de l'éducation, je peux vous assurer que j'ai des doutes ! Donc à l'époque ils ont mis un quota : ils ont recruté la promo normalement, puis ils ont ouvert les 30 places suivantes uniquement aux femmes de la liste d'attente Ils ont maintenu ce quota pendant plusieurs années (genre dix ans) et aujourd'hui ils n'en ont plus besoin.

A force de socialiser cette école à comprendre que les femmes qu'on allait recruter de façon un peu plus volontariste faisaient partie du paysage de l'école, c'est devenu normal d'être une fille et postuler à NTNU.

Carnegie Mellon ils s'en sont sorti sans quota, mais ils ont réfléchi aux critères d'admission : ils sont demandé si une compétence technique préalable était vraiment à ce point nécessaire pour devenir un.e bon.ne ingénieur.e en informatique.

Si une personne a fait une LAN party avec ses potes, ou branché la Livebox de ses parents, est-ce que je suis sûre qu'elle deviendra un.e informaticien.ne brillant.e ? Soit c'est le couteau sous la gorge parce que les parents savaient pas, soit cette personne a un petit intérêt technique, mais ça dit pas grand-chose, et on va avoir 5 ans pour les former à l'informatique.

Ils ont donc varié les critère d'admission, sans vraiment se préoccuper des premières compétences techniques.

Ils ont aussi fait des cours sur le genre à tout le monde.

Je suis allée interviewer des filles dans des écoles (équivalent des DUT) en Suisse les filles qui sont en général deux dans une promo de 40, et elles disaient que sur les 40 mecs, 35 sont sympas, avec une "sous-rubrique" encore plus sympas, mais au pire il y en a 35 qui sont soit sympas soit indifférents, au manque de filles en informatique, qui ne se sentent pas concernés, ils font pas de différence donc pensent qu'ils font pas partie du problème.

Et puis il y en a 5 franchement toxiques, qui font des plaisanteries sexistes, mettent la main aux fesses, bourrés en soirée qui se comportent comme des porcs.

Mais elles sont 2 et ils sont 5, et pour elles c'est temps plein.

Et les 35 mecs plutôt sympas, si chacun fait une plaisanterie sexiste par mois (qui ne fait pas une plaisanterie sexiste par mois ?) elles sont 2 ils sont 35...

C'est ça qu'expliquent les filles en filières d'informatique, l'essentiel des mecs sont sympas, mais voient pas qu'il y a un système continu pesant, quand ils voient les 5 gros lourds qui se tiennent n'importe comment, sur le coup ils les arrêtent mais après ils disent "tu sais comment il est" mais le souci c'est que c'est sans arrêt.

Donc ils font des cours sur le genre pour expliquer aux mecs ce que je suis en train de vous expliquer : que quand on donne un coup de pouce pour les filles, c'est pas parce que c'est des pauvres choses qui s'en sortent pas, c'est parce que justement le système les désavantage et quelques toxiques qui les désavantagent, et si on veut pas mettre tous les les mecs dans le même panier, ils doivent être solidaire et pas se dire qu'ils font pas partie du problème.

C'est pas un vrai graphique mais vous allez comprendre : 82 % des personnes en informatique n'ont jamais eu de problème de sexisme et 18 % sont des femmes.

Et il y a un décrochage supérieur, le peu de femmes en informatique décrochent plus que les hommes.

Au bout d'un moment, elles supportent plus l'ambiance de quelques-uns, pas la totalité mais une totalité un peu molle pas si soutenant que ça et puis leur salaire progresse pas autant que les collègues, et il y a toujours un chef sexiste qui bloque leur carrière, un client qui va être super chiant et l'entreprise qui dit : "faut que tu saches le prendre parce que c'est pas ma faute s'il est con"...

Au bout d'un moment on en a marre et on va essayer autre chose comme la sociologie (je conseille pas, c'est pas un métier où on trouve du boulot !) Si on veut plus de femmes dans le numérique, la toute première chose à faire c'est faire de nos écoles et de nos entreprises des safe spaces parce qu'aller bosser en se disant qu'on est peut-être en danger, ou que ça va être lourdingue ou que selon nos vêtements on risque de déclencher une émeute... c'est franchement pesant ! Ça c'est ma page de pub, si vous voulez voir les autres choses que j'ai pu faire.

Merci Merci beaucoup pour cette conférence, je pense qu'on a le temps pour quelques questions.

Bonjour et encore merci pour cette conférence.

Je voulais savoir si le nombre de femmes qui aurait diminué dans les années 80 pouvait être dû au jeux vidéos notamment, un milieu assez masculin et qui aurait pu emmener beaucoup d'hommes vers l'informatique à la place des femmes ? Absolument. Quand je parlais de plusieurs phénomènes qui sont arrivés en même temps, le micro-ordinateur c'était essentiellement des ordinateurs de jeux.

On a vu plusieurs phases dans les écoles d'informatique : il y a une phase où les jeunes hommes venaient parce qu'ils voulaient tous développer des jeux vidéo, (ils l'ont pas tous fait mais c'était un attracteur majeur) une phase où ils voulaient tous être hackeurs, et ils sont aperçus que c'était pas le hack qu'on leur apprenait à l'école, mais ils sont quand même devenus informaticiens...

Donc oui le jeu vidéo est un extraordinaire attracteur d'hommes dans l'informatique.

Et comme pour les Playmobile, si vous comparez les jeux vidéos dit "de fille" ou "de garçon" on reconnaît un jeu vidéo "de fille" à la pauvreté intellectuelle qu'on met en œuvre pour le manipuler.

Franchement les scénarios riches, les aventures extraordinaires...

c'est plutôt dans les jeux vidéo [dits "de garçon"] Quand on recherche jeux vidéo "de filles" ou jeux vidéo "de garçon" sur des sites web c'est très parlant.

Enfin élever des licornes ou échanger des joyaux, ça mène pas très loin.

Donc oui le jeu vidéo qui arrive en même temps que le micro-ordinateur dans les années 80 à participé à ce déséquilibre.

Vous avez parlé au début des personnes trans et non binaires, et justement dans l'informatique, il y a un certain cliché : il y aurait beaucoup de femmes trans dans l'informatique.

Y a t'il eu des études pour valider ou non, ou justifier, expliquer ce cliché ? On est pas sur des nombres statistiquement significatifs, donc les études n'ont pas réussi à le valider de façon statistiquement significative.

On s'est aussi demandé s'il y avait plus de personnes gay, lesbiennes, ou de minorités de genre mais on n'arrive pas à le montrer statistiquement.

Outre que déjà tracer le périmètre de l'informatique c'est un vrai cauchemar.

Donc bref on y arrive pas.

Mais si vous êtes pas à l'aise avec votre corps, quelle qu'en soit la raison, l'informatique c'est un bel endroit ! Lisez ce que je raconte sur le blog du Monde : on peut chercher l'être informationnel comme Alan Turing, on peut penser que le corps a peu d'importance si l'esprit est dans la machine, on peut être un personnage virtuel surpuissant comme dans Snow Crash, parce que dans le multivers on est la personne qu'on arrive pas à être dans le réel.

Bref quand on a un problème avec son corps physique, l'informatique c'est un bel endroit.

Donc c'est assez compréhensible que des personnes qui veulent jouer avec leur identité de genre ou qui sont en guerre avec leur biologie, se retrouvent en informatique.

Dans les débuts d'Internet en France, enfin plutôt fin des années 90 j'avais dans ma signature...

sur Internet votre genre c'est juste une question de pronom, ça fait très très longtemps qu'on peut arriver sur un forum, donner ses pronoms et après on se moque d'à quoi vous ressemblez.

Donc c'est un bel endroit pour jouer avec la non binarité, la transidentité, d'autres version du genre.

Mais statistiquement je peux pas vous répondre.

Je vois pas où vous êtes ? Je remercie l'AFUP de vous avoir mis en face de personne, parce que votre conférence est d'utilité publique.

Comment peut-on agir au quotidien sur le biais qu'ont les gens sur le fait que les femmes vont avoir plus de talents dans les soft skills, et que les les hommes vont être plus en technique...

Et comment dans notre entreprise on peut au quotidien agir dessus et essayer de faire prendre conscience aux gens que c'est faux ? Ce qui est dramatique c'est que c'est pas parce qu'un stéréotype est un stéréotype qu'il n'est pas aussi fondé.

Vu la manière dont sont socialisés les garçons et les filles, un certain nombre de filles ont plus de compétences en soft skills que les garçons.

Et ça veut pas dire c'est mort pour les garçons côté soft skills, ni que c'est perdu du côté des filles pour la technique, mais on a été socialisé à mettre ça en avant, on a tellement attendu ça de nous, qu'on soit garçon ou fille, que c'est plus facile.

En plus, c'est ce qui vous renverra à moins de questions.

On dira pas "T'es une fille pourtant" ou "Tu sais faire ça, c'est très féminin" Si vous voulez être tranquille, vaut mieux rester conforme à un stéréotype.

Parfois ça vous rend la vie complètement invivable et irrespirable.

Donc le stéréotype on n'y peut rien, c'est la première image qui vient en tête, mais vous n"êtes pas obligé de vous y soumettre, vous pouvez passer à la deuxième image.

Donc quand on se rend compte qu'on a tendance à systématiquement remettre les femmes dans les soft skills et les mecs dans la technique, on peut se demander pourquoi on le fait, si on a de vrais éléments de compétence qui font dire que si on met ce mec au soft skill la boîte va à sa perte, ...

Sinon on peut essayer d'autres choses : faire des "tournus", former les gens...

Je suis en sciences de l'éducation, je crois à la formation, je pense que c'est perdu pour personne, mais si on vous renvoie sans arrêt à vos compétences supposées, si on vous écoute pas quand vous mettez en oeuvre des compétences que vous êtes supposé pas avoir, ça va être un souci.

Il y a une mission du côté des RH (tout dépend la taille de l'entreprise) du côté du responsable de l'entreprise (pour les petites entreprises) du côté de chacun et de chacune pour essayer de regarder les gens autrement.

Si déjà on arrêtait les propos de sexisme ordinaire, on arrêterait de répéter sans arrêt qu'il y a des compétences strictement "pour les hommes" et "pour les femmes".

J'ai une question sur l'un des arguments que je vois souvent quand on parle du nombre de femmes dans dans la tech, surtout en France, que c'est parce qu'on n'a pas envie d'y être, et que la preuve : plus un pays est libre, moins il y a de femmes dans l'informatique.

Vous en avez un peu parlé avec la Malaisie, mais que répondez-vous à ça, sur les réelles causes et à quel point c'est du bullshit cet argument ? Alors c'est un article scientifique est sorti il y a 5 ou 6 ans, et depuis...

Je veux dire : il y a un seul article en terme de corrélation, et l'impact qu'il y a parce qu'il va dans le sens des stéréotypes, ça fait peur ! Alors que nous on peut en écrire des piles comme ça, mais comme ils sont contreintuitif, on s'en fout.

Donc cet article montre effectivement une corrélation (pas une causalité : c'est pas parce que deux phénomènes marchent ensemble que A entraîne B ou inversement) et cette corrélation montre qu'il y a plusieurs pays où quand les femmes ont plus de droit, leurs choix semblent plus dirigés vers des disciplines dites "féminines", et quand elles ont moins de droit, elles sembleraient se diriger vers les métiers techniques.

Mais ces corrélations mélangent des pays aux motivations très variées.

Cet article présuppose que la technique c'est le premier métier, le plus important et le plus beau, tous pays confondus.

En Suisse, le premier métier, vous allez rire, c'est pas dans l'informatique mais dans la finance.

En France il y a rien de plus beau qu'ingénieur, on pense que si vous avez un diplôme d'ingénieur, toutes les portes s'ouvrent devant vous ! Vous pouvez même faire des soft skills éventuellement, c'est magnifique.

Mais c'est pas ce qu'on pense dans tous les pays.

Un pays très curieux, la Turquie, où il y a des femmes en informatique à l'université, parce qu'à l'université on est hyper mal payé en général, c'est des postes partiels où il vaut mieux avoir un second emploi.

C'est dans l'armée qu'on fait qu'on fait des sous.

Donc la ligne qui permet de savoir où sont les femmes, et où sont les hommes, c'est de regarder quels sont les postes les plus prestigieux dans le pays dans lequel on est.

On se rate assez rarement, on peut même spéculer qu'il y a une inférence.

Quelques pays ne sont pas montés de cette manière : l'Algérie, la Malaisie, le Maroc, l'Iran, etc. pour des raisons assez variées.

Parce qu'en fait nos représentations "geek", "pop-culture américaine" sur ce qu'est le fantasme autour de l'informatique sont pas arrivés dans ces pays, donc les femmes sont relativement nombreuses.

Mais avec des trucs très bizarres : au Pakistan on recrute spécifiquement des femmes dans le traitement d'image et la reconnaissance faciale, parce que seules les femmes ont le droit de voir le visage de femme découvert, donc on a besoin d'informaticiennes en reconnaissance faciale.

C'est quand même très spécifique et on ne peut pas dire que c'est un choix libre et ouvert.

Je dirais quand bien même le gros argument c'est de se dire que les filles ont qu'à venir et qu'on va pas les forcer, alors, déjà, on force sans arrêt les enfants : les petits veulent faire quoi ? Les mecs veulent être footballeur ou tiktokeur, les filles elles veulent être influenceuse ou fée princesse.

En général on les influence pour qu'ils fassent autre chose, donc si fée princesse c'est pas bon, pourquoi pas informaticienne à la place ? Ensuite, il suffit d'écouter les témoignages des filles qui font de l'informatique, qui simultanément disent : "j'ai rencontré des gens super, la discipline est très chouette, je m'amuse à faire ça, mais de temps en temps quand-même c'est très compliqué parce que..." Et là on se demande si vraiment elles viennent pas, ou elles s'en vont uniquement de leur propre choix.

Si on les avait laissées tranquille, il y a gros à parier, moi y compris, si en tant que jeune femme mariée avec des enfants, j'avais juste trouvé du boulot en CDI, je pense que je serais devenu une informaticienne très heureuse plutôt qu'une sociologue très heureuse.

Merci beaucoup pour ces réponses.

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