Nous sommes ravis d'accueillir Louis POUZIN pour un sujet sur l’Internet du futur : RINA ! Expert en communications et réseaux d’ordinateurs à la réputation internationale, l’un des créateurs français d’Internet, Louis POUZIN déploie le concept d’un nouvel internet non-TCP/IP avec RINA (RecursiveInterNetwork Architecture) imaginé par un de ses collègues de Boston, John Day, ancien de l’ARPAnet.
_ Nous avons le plaisir d'accueillir sur scène un des grands experts en télécommunications et réseaux. Lister son parcours ne lui laisserait plus beaucoup de temps de parole. Il nous permet d'avoir ce petit réseau d'ordinateurs qui nous permet de faire du travail tous les jours. Merci d'accueillir Louis Pouzin.
_ C'est un bon siège. Je vous remercie d'être présent ici. Vous êtes nombreux ! Combien il y en a, ici ? 400 ou 500, je ne sais pas. 300, OK. Très bien. J'ai amené un bouquin. Figurez-vous que j'ai plus de 90 ans.
Il y a un certain nombre de choses que je ne peux plus évoquer parce que c'est coincé quelque part. Il vaut mieux avoir un petit rappel. C'est comme les gens qui sont dans les églises et qui font des discours. Ils ont toujours des petites notes pour s'en rappeler. Ce n'est pas toujours facile de se souvenir d'un discours. Je vais vous parler de... La série intellectuelle... Je ne regarde pas. Comme si je n'avais pas d'yeux !
Quand la France a décidé de se joindre à un projet qui s'appelait au départ, je ne sais pas si c'est exactement Internet, mais c'était l'idée de faire Internet parce que les Américains avaient commencé à faire des développements et ça commençait à être connu des chercheurs en France. Pas forcément de tous les chercheurs autour du monde, mais on peut dire que déjà, les chercheurs qui étaient dans la partie nord de l'Europe et ceux qui étaient évidemment aux États-Unis. Ils avaient déjà une assez bonne connaissance de ce qui devait être le futur Internet. En France, on n'était pas au courant. Internet, c'était des paquets de cartes perforées. On ne savait pas ce que c'était, mais c'était important de les avoir. Ça, c'est le début de l'Internet en France. On s'est rattrapé après deux ans de développement et de formation du personnel avec ce qu'il fallait pour mettre les gens en phase de produire et de participer à l'échange des autres.
C'est quelque chose qui est arrivé en France sous le nom de TCP/IP. TCP/IP, savent toujours dire... Je ne sais plus. TCP/IP, ça doit vouloir dire un gruyère quelconque qui permettait de faire fonctionner des programmes qui étaient localisés dans un certain nombre d'ordinateurs et qui pouvaient se parler entre eux. Ils pouvaient se parler entre eux et ils pouvaient même créer des réseaux, c'est-à-dire qu'ils pouvaient commencer à créer une série d'ordinateurs qui se parlaient les uns aux autres pour exécuter les programmes qu'ils étaient chargés de faire fonctionner. En France, on voyait ça avec le milieu scientifique d'un œil à peu près inintéressé parce que ce n'était pas dans leur système.
On a quand même réussi à convaincre un certain nombre de personnes qui étaient dans le voisinage des ministères et qui s'intéressaient à l'Internet, ils ne savaient pas très bien ce que c'était, mais ils savaient que c'était en cours de développement aux États-Unis et ils voulaient quand même ne pas être trop en retard. Ça a quand même pris deux ans. Cela dit, ça permettait à la France d'être à peu près à jour pour être dans la série des pays qui avaient compris qu'il y avait quelque chose à développer côté Internet. Bien sûr, il peut y avoir plusieurs interprétations d'Internet. Il y a eu dans la pratique plusieurs modes de réaliser des programmes qui fonctionnaient selon l'Internet. Il y en a eu un certain nombre et ce n'est pas fini. Il y en a encore. Ça va encore se développer par la suite.
Par exemple, il y a RINA. Vous en avez entendu parler ? Il n'y a pas beaucoup de gens. Ça veut dire que RINA est déjà un Internet, une version d'Internet, on pourrait dire toute nouvelle, bien qu'elle ait déjà plus de 10 ans. Elle a été créée par un collègue américain qui est à Boston et qui est un des pionniers de cette version. Ce n'est pas encore très répandu dans le monde. Cela dit, il sera probablement obsolète dans 10 ans, parce qu'Internet, ce n'est pas quelque chose comme une statue de pierres qui reste visible pendant des dizaines d'années et des milliers d'années. Il faut s'attendre... Ce que je vais vous raconter aujourd'hui, ce sera forcément des choses un peu proches de ce qu'il s'est passé il y a 10 ans et probablement déjà obsolètes dans certains pays. Il vaut mieux connaître ce qu'il s'est passé dans notre histoire, parce que ça permet à la fois de parler à des gens qui étaient de cet âge. J'ai plus de 70 ans. 90. C'est ça. J'ai 90, en fait. C'est pour ça que j'ai un bouquin. Parfois, j'ai les trous de mémoire. Ça me permet de me rappeler un petit peu de ce qu'on a fait. Quand on s'est mis...
Quand on a eu l'autorisation et l'argent qu'il fallait pour développer quelque chose que les Américains appelaient Internet... Il n'y avait pas que les Américains. Il y avait les Allemands, les Suisses un peu. Je ne sais plus. Peu importe ! C'est les gens qui étaient dans les différents pays le long des mers au-dessus de la France. Allons bon !
C'était déjà les premiers inventeurs, les premiers développeurs de la nouvelle Internet. Chacun faisait ce qu'il pouvait, et en France aussi, on faisait ce que l'on pouvait. C'est-à-dire pas grand-chose. Étant donné qu'il fallait pour ça avoir une équipe et un minimum d'argent pour qu'elle puisse fonctionner en ayant le temps de trouver des gens qui fassent partie de l'équipe.
C'est ce qu'il s'est passé, évidemment, on n'était pas très connus. On était connu de quelques personnes qui étaient chargées du Plan calcul Internet. À l'époque, c'était une petite équipe qui essayait de comprendre ce qu'il se passait aux États-Unis et de voir comment ça pourrait rentrer dans la civilisation française. À l'époque, elle ne dépassait pas le stade du calcul privé.
On pouvait faire sur des ordinateurs des calculs pratiques, mais il n'y avait pas encore de systèmes complets qui permettaient de lancer des programmes qui pouvaient faire plusieurs choses différentes pour différents utilisateurs. Ça, c'est venu une dizaine d'années après. On était à ce stade où il fallait faire quelque chose pour être vus de l'extérieur comme étant des gens avancés. En France, il n'y en avait pratiquement pas.
Il y avait ceux qui nous soutenaient, qui faisaient partie du Plan calcul français, mais il y en avait peut-être au total pas beaucoup plus qu'une quinzaine ou qu'une vingtaine. Tout ça, c'était évidemment tout à fait incongru de notre part... Il y avait des sociétés qui avaient de l'argent et le pouvoir de multiplicité du personnel dans leur château fort. Ça, c'était essentiellement les PTT. Les PTT, il y en avait dans tous les pays en Europe. Les PTT français ne jouaient pas un rôle très visible à l'époque.
Mais ils ont quand même commencé à comprendre que s'ils voulaient être intéressants, il valait mieux qu'ils se mettent d'accord avec d'autres PTT. Ce qui a toujours été le cas dans le monde des PTT, c'est de se placer dans des groupements, des systèmes d'influence qui permettent d'être reconnus le plus possible et d'avoir les moyens nécessaires pour continuer à évoluer. Ce n'était pas des systèmes qui évoluaient rapidement. Avoir un système qui avait 10 ans d'âge, s'était déjà considéré comme une merveille. Ça, évidemment, on s'appliquait et on était pas très bien connus. Même si on a été assez rapidement connus dans le monde européen et aussi américain, il a fallu attendre un peu plus de deux ans.
Pour être connus, il faut se bouger. Il faut se faire connaître à la fois par les écrits... Les ouvrages, ça fait des bouquins comme ça, j'en ai apporté un, un de ceux qui ont toujours valable, parce qu'il raconte l'histoire de ce qu'est devenu l'Internet ou comment l'Internet a commencé en France.
C'est Springer qui explique ça. Le titre, c'est "Les avancements"*. On était une équipe qui a commencé par être cinq ou six programmeurs. Il y avait des gens qui avaient une bonne expérience de l'informatique. Il fallait constituer l'équipe avec tout ce qu'il fallait pour la rendre visible et suffisamment productrice pour montrer aux gens qui nous finançaient qu'on faisait du bon travail. Cela dit, on l'a fait. Ce n'est rien d'extraordinaire. Quand on sait ce que l'on doit faire et on a une équipe intellectuellement capable de comprendre quel est le but. Dans ce cas, on y arrive. Même si c'est long, ce n'est pas si long que ça. Il faut commencer par faire beaucoup de baratin et beaucoup de séances de diffusion de nos idées pour arriver à faire quelque chose de concret. Ça s'est passé.
Ce qui s'est réalisé, c'est qu'on a quand même été beaucoup plus rapidement connus des Européens et des Américains que des Français. Ça, c'est peut-être un peu un vice français ; de ne pas aller trop vite et que quand les autres auront fini, on leur dit toutes les bêtises qu'ils ont faites. Il s'est passé l'inverse. On s'est rapidement rapproché de tous les Européens que l'on connaissait et qui ont été assez ravis en général de nous retrouver. Dans tous les pays, quand on fait des choses nouvelles, il y a quand même un minimum de difficultés. Les finances, il y en a toujours, mais évidemment aussi des gens qui ne sont pas d'accord. On avait toutes les critiques possibles. On ne s'est pas inquiétés de ça. Ça fait partie du jeu des inventeurs, c'est que quand ils font quelque chose, il y a un tas de gens qui disent que ça ne va pas marcher et il y en a un petit nombre qui pense que ça marchera. On est passés par là. On a quand même mis pas mal de temps à s'apercevoir que ça pouvait marcher.
Cela dit, ça a quand même pris une dizaine d'années pour que les choses évoluent. Ça veut dire que ce qui était déjà américanisé a continué à évoluer. Leurs principes ou leurs manières de spécifier les programmes, ça a évolué par-ci par-là et il y avait presque toujours une nouvelle version au bout de six mois ou de huit mois. Et puis, ce n'était pas un truc stable, mais ça évoluait. À chaque fois, il y avait toujours de nouveaux groupes qui venaient s'agglutiner à ça. Le début d'Internet n'a pas été trop difficile, parce que les gens qui commencé à travailler là-dessus ont été suffisamment convaincants, ils ont tout de suite créé des algorithmes, je devrais plutôt dire des sigles qui permettaient d'être reconnus dans le monde et d'inciter tous les organismes qui avaient déjà travaillé sur les développements d'Internet, pas le téléphone, mais simplement le calcul ou les documents, ça permettait de créer une première génération de gens qui savaient à peu près de quoi ils parlaient quand ils parlaient de programmes, de versions de X ou Y, et qui étaient capable d'écrire quelques lignes qui permettaient à un ordinateur de les traduire dans un code qui pouvait fonctionner. Ça, c'était la base.
Évidemment, la base a beaucoup évolué. Par exemple, RINA, vous connaissez ? Il y en a un qui connaît. Je l'ai vu tout à l'heure. RINA, en France, c'est quand même aujourd'hui une espèce d'oiseau bizarre qu'on voit passer dans le ciel de temps à autre, mais on ne sait pas ce que c'est. C'est l'Internet d'il y a 10 ans. Aujourd'hui, l'Internet, c'est RINA. RINA n'était pas un système totalement fiable. Pardon. Le TCP/IP n'était pas fondamentalement fiable. Il était possible de lui donner des requêtes qui n'étaient pas valides, ou bien, ça pouvait même être utilisé pour envoyer des requêtes mal foutues ou vicieuses de manière à empêcher les systèmes des autres de fonctionner correctement. Tout ça, il fallait le corriger. Il fallait d'abord se rendre compte que c'était un moyen pour mettre les copains dans une sale disposition, c'est-à-dire que c'était la concurrence. Elle pouvait être du même pays ou d'autres pays. C'est un peu la concurrence qui a instauré des systèmes pas de type industriel, mais ça ressemble aussi à des industries qui essayent de copier les autres ou de raconter que c'est mieux qu'un autre industriel, alors qu'il y a quand même un certain nombre de choses qui ne marchent pas.
Ça, on pourrait dire que c'est la méthode habituelle d'évolution de l'industrie. On peut appeler ça industrie au départ, mais au départ, c'est évidemment des brouillons d'industrie. Il faut trouver des gens qui sachent ce qu'ils font et qui sont capables de faire connaître les fondements pour en convaincre beaucoup d'autres. S'il y a une ou deux équipes qui ont compris, ce n'est pas assez pour échafauder une génération. Ça, c'est naturel dans tous les systèmes qui sont en particulier intellectuels, mais aussi commerciaux.
Tout ça, ça prend du temps. Et ça prend quand même de l'argent. Internet a démarré comme ça. Je me souviens qu'il y a quelques années, nous avons tenu compte de certaines erreurs... Ce ne sont pas toujours des erreurs. Certains cas de fonctionnement dans RINA qui n'étaient pas connus ou perçus par les Internet antérieurs comme étant des choses qui pouvaient gêner ou marcher de travers.
C'est aussi une situation que vous trouvez dans les systèmes nouveaux. Ils font appel à la technologie. Il y a toujours des gens qui sont très en avance. Quelquefois, c'est le pire. Ils sont très en avance parce qu'ils n'ont pas réfléchi à tout ce qui allait leur arriver. Ça, c'est une nature normale pour le développement des sciences. Quand on veut passer au stade pratique où il faut que les développements que l'on fait avec des machines arithmétiques... Il faut quand même s'assurer qu'on ne doit pas créer des situations, des décisions ministérielles ou des prétentions commerciales qui sont hors de portée de leurs capacités.
C'est éternel, ça. Ça arrivera toujours. On peut dire qu'aujourd'hui, RINA a de l'avance par rapport à ce qu'il s'est fait avant et on ne peut pas dire qu'il n'y aura jamais mieux que RINA. C'est probablement... Il en aura d'autres, mais ce serait assez normal qu'il y ait dans quelques années des versions que l'on n'appellera peut-être plus RINA et qui seront tout à fait avantageuses pour faire du travail rapide, plus sérieux, plus garanti de manière à ce qu'il n'y ait pas d'inquiétude dans l'esprit des utilisateurs.
Un peu comme si vous avalez un médicament qui a une bonne réputation. On pourra dire que ce n'était pas un bon médicament. Les logiciels, c'est pareil. Il y a des logiciels bons et moins bons.
Au niveau de l'humain, il ne faut pas perdre de vue qu'en dehors de l'Europe, il y a un certain nombre de pays plus avancés. Je peux dire qu'il y aura la Chine, à côté de la Chine, qu'est-ce qu'il y a ? Il y a les... Les Russes ! Ce n'est pas très loin. Ils se font la concurrence, déjà, avec beaucoup de sérieux. Et puis, des pays où il y a des quantités de langues qui n'ont plus rien à voir avec le latin, l'anglais ou l'allemand et qu'il faut traduire par des langues autochtones. Ça ne veut pas dire qu'ils sont moins bons, mais ça veut dire que leur population ne pourra utiliser leurs projets ou leurs avances techniques que dans la mesure où ça aura été testé sur un certain nombre d'utilisateurs. C'est comme ça que les médicaments avancent. Les logiciels aussi !
Tout ça, ça nécessite évidemment un minimum de suivi et deux critiques de la part de tous les gens qui ont la possibilité de faire des critiques et de les publier et de ne pas se faire envoyer au diable parce qu'ils ont fait des erreurs.
C'est ce qu'il va se passer dans l'Internet. Vous tous qui êtes ici, vous avez pour la plupart la chance de pouvoir être vivants dans une dizaine ou une cinquantaine d'années. Ça dépend de votre âge de départ. Et puis, vous pourrez vous amuser à compter les nouvelles venues d'un logiciel de l'Internet et les pratiques que l'on développe, les machines que l'on crée pour ça et les résultats, ou éventuellement, je ne dirai pas les catastrophes, mais les choses qui ont pas réussi ou qui ont même des fois créé de sérieux problèmes aux utilisateurs.
Je vous dis ça et je crois que j'ai fait le quart d'heure. Non ?
Bien sûr, si vous voulez en savoir plus, il y a énormément de choses à savoir, pour les années qui viennent... Alors ? Oui, il y a des machins. Je vais les donner à ceux qui vont tendre la main. C'est pour s'initier à RINA. Research... Je ne sais plus ce que ça veut dire. C'est marqué ! C'est marqué dessus ! C'est RINA. C'est l'Internet d'aujourd'hui ou même d'avant-hier. Voilà. Pour ceux qui veulent faire de l'Internet d'aujourd'hui, je leur suggère de commencer par RINA. C'est plus simple à utiliser. Il y a des sortes de précautions qui sont prises dans le codage du code de RINA pour éviter de faire des bêtises. Il y en a quand même qui peuvent être faits, mais c'est beaucoup plus proche de quelque chose qui est indépendant de la machine ou indépendant du logiciel que vous utilisez pour faire fonctionner l'appareil qui va faire fonctionner le code. On pourrait dire que c'est vrai en général de tous les systèmes de codage. Il y a toujours des idées qui ont été utilisées et qui ne sont pas forcément garanties contre les erreurs. Et puis, par ailleurs, il y a des bouquins. Celui-là, c'est un bouquin Springer. Il est à peu près à jour. Les derniers articles sont de... Ça date de 2019. Ce n'est pas trop vieux encore. Il y en a qui sont parfois plus jolis à voir, mais c'est la même chose. Le bouquin est un peu plus gros. C'est tout. Il y a des images, dedans ! Voilà.
Je vous souhaite une bonne carrière, pour ceux qui ont 70 ans, il y en a encore un peu. Ceux qui ont 25 ans, il y en a un peu moins, ont tout un rêve à faire pour planifier votre carrière dans l'Internet. Il ne faut pas avoir peur. Tout le monde a fait des erreurs. Il y a des quantités de développement qui sont obsolètes. Ne commencez pas par ça.
Verbatim